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Maman Siamoise
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Maman Siamoise
17 juillet 2019

Laisser pleurer

laisser pleurer

Un peu de second degré pour exprimer une aberration qu’on entend trop souvent : laisser pleurer bébé, ne pas répondre immédiatement à ses besoins. En clair ne pas l’habituer à la présence de ses parents, à leurs bras. Pour ne pas « lui donner de mauvaises habitudes »...

En réalité la capacité du petit humain à alerter en faisant beaucoup-beaucoup de bruit dès qu’il se retrouve seul, est le résultat de l’évolution de notre espèce. A l’époque de la vie dans la grotte avec les vêtements en peau de bête, la chasse et la cueillette, le petit devait être systématiquement collé à sa mère. Un bébé laissé seul dans un coin était un bébé laissé à la portée des prédateurs et dont l’espérance de vie était très réduite. Sa capacité à appeler sa mère était sa meilleure chance de survie.

De la même manière, on sait aujourd’hui qu’un bébé dont les besoins ne sont pas satisfaits cesse de les exprimer. Un bébé qui appelle la nuit et qu’on laisse pleurer, arrêtera d’appeler. C’est un peu son plan B de la survie : maman n’est pas là pour prendre soin de moi et me tenir éloigné des prédateurs, alors je vais me faire tout discret pour ne pas les attirer.

Vous me direz aujourd'hui, dans nos maisons avec nos portes blindées, on ne craint pas trop les bêtes féroces. Oui, mais notre ADN lui il est marqué par des millénaires d’évolution. Et ce qui n’a pas changé au cours de ces millénaires d’évolution, c’est la décharge de cortisol et autres hormones du stress qui affluent dans le cerveau de bébé quand on le laisse pleurer.

Les recherches en neurosciences avancent à grands pas ces dernières années et nous apprennent plein de choses. Même si ce n’est pas facile de remettre en question des décennies de « valeurs éducatives » sans trop avoir l’air d’accuser nos parents et grands-parents de maltraitance, force est de constater que bon nombre de principes éducatifs encrés dans notre culture ne sont peut-être pas si bons que ça. Sur le sujet du laisser pleurer, une étude récente a montré l’impact que cela a sur les taux d’hormones de stress chez la mère et le nouveau-né. Pour en parler rapidement, on a pris des jeunes mères volontaires en maternité et on leur a demandé de coucher leurs bébés, puis de rester en retrait si ceux-ci pleuraient. Les résultats sont très parlants. On constate, les premiers jours, quand le bébé appelle, que le taux de cortisol est très élevé chez le bébé et chez la mère. Chez le bébé bien sûr puisque ses besoins ne sont pas satisfaits. Et chez la mère, probablement parce que son instinct maternel lui fait sentir que son petit a besoin d’elle, qu’elle devrait intervenir, et qu’elle est inquiète. Quand, au bout de quelques jours, le bébé cesse d’appeler (ce à quoi votre grand-mère dirait : « il a compris, maintenant il ne fera plus de caprice »), le taux de cortisol diminue drastiquement chez la mère. Comme elle n’entend pas son bébé pleurer, elle pense instinctivement qu’il va bien et que ses besoins sont satisfaits. En revanche, et c’est là que c’est édifiant, le taux de cortisol ne baisse pas chez le bébé. Sa détresse reste la même ! même s’il ne l’exprime plus.

Le but n’est évidemment pas de faire culpabiliser les jeunes mères qui sont à bout, qui rêvent de trois heures de sommeil consécutives, et qui ont laissé bébé pleurer 3 minutes pour pouvoir finir leur assiette tant qu’elle était encore chaude ! Mais ce qui me rend dingue en fait, c’est qu’en tant que jeune parent on a cet instinct en nous qui nous dit d’y aller. Cette petite voix intérieure qui nous pousse à prendre soin de notre petit dès qu’il appelle. Mais on a aussi sur les épaules la pression de cette société égoïste : « est-ce qu’il fait ses nuits ? », « tu devrais le laisser pleurer un peu », « ça lui fera les poumons », « il te mène par le bout du nez », « ne l’habitue pas trop à tes bras », « tu le couves trop » et autres phrases qu’on entend malheureusement tellement souvent, qu’elles finissent par nous faire douter.

Celles qui sont pour moi les plus absurdes sont celle du genre « j’ai élevé mes enfants comme ça et ils vont très bien » ou encore « j’ai été élevé comme ça et je n’en suis pas mort ». Oui, heureusement que tu n’en es pas mort (d’ailleurs personnellement, j’ai de plus grandes ambitions pour mes enfants que de seulement les maintenir en vie). Mais peut-être que ce sentiment d’insécurité que tu ressens quand tu es seul, cette incapacité chronique que tu as à aller de l’avant ou à prendre des décisions, ce manque de confiance en toi à cause duquel tu te fais tout le temps marcher sur les pieds, ou qui te fait te retourner à chaque fois que tu entends des gens rire dans la rue… Peut-être bien qu’un certain nombre de nos angoisses d’adulte auraient pu être évitées si notre réservoir à sécurité affective avait été comblé dans notre petite enfance. En tout cas, c’est ce que je me dis. Je ne pas médecin, pas psy, je n’ai pas de doctorat en neurosciences, mais mes différentes lectures et réflexions m’amènent à penser cela, et c’est la raison pour laquelle je me suis jurée de faire mon maximum pour que le réservoir à sécurité affective de mes enfants soit toujours le plus plein possible.

Un jour, lors d’une réunion de la Leche League, ma fille devait avoir un mois ou deux seulement, une maman qui était sur le point de reprendre le travail, s’interrogeait sur la façon dont elle maternait son bébé. Elle disait « Je le materne énormément, je réponds à tous ses besoins, mais est-ce une bonne idée de l’habituer à cela ? Quand je serai absente, ses besoins seront moins satisfaits, ou moins vite, alors est-ce qu’il ne risque pas d’en souffrir ? » La consultante en lactation lui a répondu que c’est bien le contraire ! Elle a dit : « En le maternant aujourd’hui vous lui donnez les outils et la force d’affronter votre absence plus tard. » Cette phrase a résonné en moi. Je crois que c’est à partir de ce jour que j’ai réellement intégré ce qu’est le maternage, et pourquoi il est si important.

Quand nos petits demandent de l’attention, quand ils pleurent, ce n’est pas un caprice, leur cerveau immature en serait bien incapable ! Ce que nous devons faire, c’est suivre notre instinct. Après tout, il ne nous a pas trompés au cours des millénaires, sinon nous ne serions pas là aujourd’hui pour en parler (nous devons juste nous reconnecter à lui, parce qu’on a un peu perdu la notice d’utilisation ces dernières décennies). Plutôt que de laisser pleurer, allons câliner, embrasser, réconforter notre tout petit. En grandissant, il apprendra à trouver les clés en lui pour se rassurer et il aura de moins en moins besoin de nous. Et je vous assure que ces moments de tendresse nous manqueront !

Pour finir, je voudrais suggérer un petit changement d’angle de vue. Quand je fais un cauchemar ou que j’entends un bruit en pleine nuit et que j’ai peur, je réveille mon mari pour qu’il me prenne dans ses bras. Il accepte dans 100% des cas. Il ne se dit ni « elle va s’y habituer et après ce sera une galère », ni « je suis sûr qu’elle n’a pas fait de cauchemar, elle dit ça pour me manipuler ».

Pourquoi ne se dit-on pas la même chose quand il s’agit un enfant ?

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